Le “Trumpsplaining” est une drogue à accoutumance
Et si, derrière le chaos, il n’y avait ni grand génie, ni stratégie, mais simplement un maître du vacarme et des médias accros à leur propre fascination ?
De retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a repris ce qu’il sait faire de mieux : occuper l’espace médiatique 24/7. Non pas pour gouverner réellement, mais pour prendre toute la place. À peine réélu, ses annonces s’enchaînent à un rythme étourdissant : mettre fin à la guerre en Ukraine “en vingt-quatre heures”, transformer Gaza en paradis balnéaire, annexer le Groenland, déclencher une guerre douanière avant de la suspendre — sauf contre la Chine. Qui se souvient de la semaine précédente ? Personne. Derrière cette avalanche, une méthode bien huilée. Car Trump gouverne par la mise en scène :
executive orders signés comme des contrats de show-business,
conférences de presse fleuves où l’outrance tient lieu de programme,
déclarations obscènes, conçues pour choquer.
Tout cela alimente une stratégie d’hyper-agressivité permanente. Trump ne cherche pas à convaincre un interlocuteur qui importe peu, il impose son tempo au public. Il ne gouverne pas, il se met en scène en permanece. Sans se soucier de doctrine cohérente, le président américain nous embarque ainsi dans une boucle où chaque provocation appelle son écho médiatique.
Et c’est là qu’intervient le “Trumpsplaining” : ce réflexe qui pousse journalistes et analystes à surinterpréter chaque sortie, à en déceler une stratégie cachée. Comme si le chaos et le désordre du président américain étaient calculés, ses revirements planifiés, et l’imprévisibilité une forme supérieure de rationalité. Pour les Trumpsplainers, Trump serait un Machiavel en casquette MAGA.
La vérité c’est que depuis 2016, Trump déploie son pouvoir selon une logique pulsionnelle : une réaction, un tweet, une annonce. Il ne semble pas dérouler ni obéir à un plan. Son seul besoin constant est de rester au centre de l’attention. Et ce besoin épouse parfaitement les logiques médiatiques de notre époque : le bruit plutôt que le silence, le clash plutôt que la complexité, l’instantané plutôt que le recul.
Trump, à 78 ans, maîtrise mieux que quiconque les codes du spectacle politique : il ne cherche donc pas à convaincre une majorité, mais à captiver l’attention du public. Chaque tweet devient une dépêche, chaque saillie occupe un plateau télé, chaque outrance offre un moment d’antenne mémorable. Jusqu’au prochain…
Dans les coulisses de sa dernière campagne, on le voit ainsi dicter lui-même des tweets assassins, calibrés pour troller sa rivale Kamala Harris. Du grand art !
Le plus troublant, c’est que le système Trump se nourrit de ses détracteurs. La presse s’indigne et relaie la moindre de ses provocations. Les experts démontent les fake news, tout en commentent chacun de ses faits et gestes. L’opinion se scandalise, mais guette la prochaine sortie scandaleuse. Le “Trumpsplaining” est devenu une drogue : une addiction à la démesure et à une forme de chaos, avec le besoin de doses de plus en plus fortes et rapprochées.
A cet égard, Trump II n’est pas tant le retour d’un stratège que celui d’un performeur du monde du spectacle. Son seul véritable agenda, c’est de rester dans notre champ mental. Et cette forme de pouvoir rudimentaire, presque primitive, s’avère redoutablement efficace tant que nous continuons, sciemment ou non, à mettre une pièce dans la machine. Comprendre Trump, c’est renoncer à l’expliquer comme un génie. C’est aussi admettre qu’il incarne parfaitement une époque saturée de bruit et de fureur. Et que nous aimons ça.


